21.1.17

En attendant le palmarès, Chateaubriand nous incite à écrire


Sous le soleil italien de janvier, le palmarès se prépare ! Nous avons presque terminé le premier tour de sélection. Encore une semaine ou deux et nous pourrons annoncer le lancement du recueil en direct de la Ville Eternelle !

Une proposition d'écriture pour patienter !

C'est le regard malicieux de Chateaubriand, deux fois ambassadeur de France à Rome, qui nous inspire.

Il s'agit d'écrire un texte court racontant une bêtise, une aventure où le héros, enfant, n'est ni propre, ni sage...

Pour nous donner quelques pistes, lisez ce portrait de l'écrivain enfant, extrait des Mémoires d'outre tombe (livre de poche tome I page 76)

" Il est vrai que je remplissais la maison de tous les polissons de la ville. J'avais fait connaissance avec eux sur la grève et ils étaient devenus mes plus chers amis. J'étais vêtu comme eux. Mes chemises tombaient en lambeaux. (...)
Je perdais souvent mon chapeau et quelquefois mon habit. J'avais le visage barbouillé, égratigné, meurtri, les mains noires et j'étais si sale qu'on n'osait à peine me toucher..."

Une fois votre texte écrit, éditez-le pour notre plus grand plaisir dans les commentaires, en dessous de ce texte. Il suffira de copier-coller.

Bonne inspiration et bonne écriture !

à bientôt

les plumes

14 commentaires:

  1. Mais je ne rentrais pas tout le temps couvert de feuilles et de brindilles à l'heure du souper. Ces moments-là n'arrivaient que lorsque j'avais fait un tour en début d'après-midi à la bibliothèque du quartier. D'ailleurs, si j'annonçais à mes parents que je m'y rendais, ils protestaient car cela signifiait qu'ils devraient me débarbouiller à mon retour et laver tous mes habits. J'empruntais toujours les mêmes romans. L'île au trésor, L'appel de la forêt... et tout ce qui parlait de voyages et de solitude. Je ne comprenais pas tout, mais je savais qu'à force d'insistance, j'y parviendrais. Mon livre sous le bras, je filais ensuite dans le petit bois tout proche. J'aimais me réfugier dans un arbre pour lire. Je m'y sentais en sécurité. Mais je ne cessais de tomber par terre et devais m'y reprendre plusieurs fois avant de réussir à m'agripper aux premières branches. J'étais plein d'enthousiasme, mais je n'étais pas très bon grimpeur.

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    1. une jolie scène d'enfance où les livres jouent un grand rôle. On voittrès bien la scène et on suit les rêves de l'enfant

      merci
      odile

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    2. Merci à vous aussi pour ce commentaire encourageant. Passez une belle journée.

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  2. Au bout du jardin se trouvait le chemin communal, qui longeait le ruisseau. Ce petit filet d'eau exerçait une fascination sur tous les gosses du quartier, et sur moi en particulier. Quel que soit le temps, dès que nous rentrions de l'école, je chaussais mes bottes de pluie, et courais patauger dans les quelques centimètres d'eau, à la recherche d'un trésor. Je commençais par nettoyer le tronçon avec un long bâton pour écarter feuilles mortes, brindilles, sacs ou bouteilles de plastique que je déposais le long de la berge. Les premières éclaboussures décoraient les bas de pantalon, les bords des manches et bien souvent le cou et le visage. Ce maquillage aléatoire marquait le commencement d'une aventure, qui m'emmenait chez les Indiens, ou les Pirates, ou les SuperHéros et ce, jusqu'à la chute inévitable qui me faisait rentrer tous les soirs trempé, sale mais follement heureux.

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    1. une autre très jolie scène qui m rappelle mes frères qui adoraient patauger et revenaient crottés. Curieusement je suis étonnée que nos parents aient accepté nos débordements. Aujourd'hui les impératifs de sécurité et d'hygiène priment ! merci pour cette lecture
      Odile

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  3. Feu de joie
    Nous aimions jouer avec le feu. C'était interdit, bien sûr ! Mais sur le terrain, dans le jardin,près du tas d'ordures, il y avait toujours quelque chose de sale à détruire. On nous incitait à la prudence, on nous donnait des consignes et des avertissements. Papa disait même que, qui joue avec le feu, fait pipi au lit.
    Nous avons ainsi manqué détruire le petit pont qui donnait accès au pré. Je me rappelle notre énergie pour venir à bout des flammes avec un jet d'eau bien trop court. Les questions : elle vient de où cette fumée ? et nos réponses évasives.
    Nos parents ne semblaient pas gênés par nos odeurs de boucaniers. Il fallait passer par la baignoire sitôt rentrés.
    C'est à l'église que nous faisons sensation. Nous arrivions en retard, sans le moindre sou pour la quête et empestant à un point tel que l'on nous faisait toujours de la place sur le banc au fond de l'église. Nous étions habillés proprement, nos manteaux étaient convenables, juste un peu usés. Mais l'odeur de brûlé, de fumée, de cendres imprégnait peu à peu la petite chapelle. Immanquablement on se tournait vers nous pour identifier l'origine de l'infection. Nous prenions alors un air dévot et faussement dégagé en marmonnant quelques prières et en entonnant les psaumes.
    Nous réalisions alors à quel point nous sentions mauvais. Le tissu était si baigné de fumée que rien n'y faisait. Dès la sortie le retour à l'air pur soulageait notre culpabilité et nous retournions sans aucun remords allumer quelques branchages.

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  4. -Tu as vu dans quel état tu t’es encore mis ?
    Ces mots de notre voisine, articulés, presque soupirés de sa voix traînante, m’avertissaient chaque soir du retour au bercail de la petite Marion, un garçon manqué de mon âge qui passait le plus clair de son temps de vacances à vadrouiller, comme disait ma mère, au-delà des jardins, entre taillis et torrent. Je laissai alors instinctivement tomber mon livre et filai jusqu’à la fenêtre pour la voir passer, jupe tâchée de vase et natte en bataille, les mains serrées à en saigner sur un trésor de cailloux brillants. Lorsqu’elle était plus sale encore que de coutume, sa mère accompagnait même ses paroles d’une tape vigoureuse sur le sommet de son crâne, ce qui lui faisait pincer les lèvres et rentrer le menton. Mais, et j’avais le temps de les voir car elle ne manquait pas de m’adresser chaque soir un clin d’œil complice, ses yeux, verts comme les pierres sur lesquelles elles serraient ses doigts, brillaient.

    - Tu passes trop de temps à lire, tu vas t’abîmer les yeux. Vois le temps qu’il fait. Sors donc !
    Telles étaient les paroles de ma mère, qui se désolait quant à elle de me voir du matin jusques au soir penché sur mes livres. Non qu’elle souhaitât que je me crotte comme cette sauvageonne de Marion, non, mais un peu d’exercice au soleil ne pouvait me faire de mal… Mais j’étais si timide…

    ***

    Il y a longtemps de cela. C’était au temps des vacances, au temps sans fin des étés d’enfance. Quand le torrent donnait au crépuscule ses voix d’eau. Ses voix de sirènes et d’émeraude.


    Vincendières

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  5. Merci pour ce texte à deux personnages. Une jolie scène et on voit bien la "pauvre" Marion.

    Merci

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  6. L'EAU QUI DORT
    Une vraie teigne cet enfant. Mais était-ce vraiment de sa faute? Le souvenir d'une violence. Voilà ce qu'il était pour sa mère. Élevé sans amour, écrasé par le poids des non-dits, certains jours l'angoisse l'étouffait et il fallait bien qu'il s'en libère d'une manière ou d'une autre. Infliger la souffrance le remplissait de joie et ses jeux d'enfant se teintaient de cruauté. De la destruction des fourmilières il était passé aux tortures, arrachant les ailes des papillons, écartelant et éventrant lézards et crapauds. A l'école il harcelait les plus faibles et se battait souvent. Peut-être pour montrer qu'il existait. Parfois il pensait à la mort. La sienne et celle des autres.
    Cet été-là sa mère l'avait envoyé chez une grand-tante à la campagne et cela ne s'était pas trop mal passé au début. Sa tante le laissait courir à sa guise dans les champs, « Il faut bien qu'il se dépense » disait-elle. Elle ignorait tout de ses méfaits jusqu'au jour où elle le surprit en train de décapiter à coups de bâton les roses et les iris du jardin. Il avait ri de son chagrin. Puis, feignant la maladresse, il avait cassé des bibelots auxquels elle tenait. Il avait même essayé de la faire tomber dans l'escalier.
    Ce matin-là il avait renversé la cafetière pleine et le café brûlant avait giclé sur la malheureuse. Fâchée, elle menaça de renvoyer cette graine de voyou chez sa mère. Il claqua la porte bouillonnant de colère et il se mit à courir en proférant des menaces. Elle allait voir, la vieille guenon, de quoi il était capable. “Je vais foutre le feu à ta baraque, tout va cramer et toi avec.”
    Comme il longeait le pré de la combe les recommandations de sa tante lui revinrent à l'esprit. “ Surtout ne va pas dans la grande prairie, c'est dangereux, il y a de l'eau qui dort. Des brebis y ont disparu, avalées par la terre”. “Si elle croit me faire peur avec ses radotages... Allez, j'y vais...” Et il marcha résolument vers le centre de la prairie, là où l'herbe était plus haute, plus verte et où poussaient des joncs. Quelques corbeaux se levèrent en vol et le frôlèrent presque, en croassant, exaspérant sa colère. Ils se posèrent plus loin et l'enfant courut vers eux en brandissant son bâton. Alors s'instaura un manège qui ressemblait à un jeu. Les oiseaux se déplaçaient et l'enfant les suivait. Ils semblaient le diriger vers un endroit bien précis.
    Le ciel avait pris la couleur du plomb, le vent transformait les hautes herbes en vagues frémissantes. Au milieu des joncs la tache claire d'un iris d'eau attira l'attention du gamin. Un gros papillon venait de s'y poser, une aubaine, il allait les pulvériser d'un seul coup de bâton. Il dressa le bras, menaçant. Le vent tomba d'un coup. La nature sembla se figer. En attente. Lorsque les corbeaux prirent de nouveau leur envol ce fut comme un signal. L'enfant accomplit le pas fatidique et lentement, inexorablement il s'enfonça, stupéfait, dans une matière humide et visqueuse. Les oiseaux noirs tournoyaient en silence au-dessus de lui. Fou de terreur il hurla. Alors, dans un soupir, la terre l'engloutit étouffant son cri. Il y eut juste un frémissement dans les joncs, une vague odeur de marécage.

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    1. Quelle force dans cette micronouvelle ! elle rappelle une nouvelle de Maupassant ! Merci

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  7. L'aumône

    La place Flagey est portugaise, n'en déplaise à Bruxelles l'Européenne, et par le fado elle imprègne les bohèmes branchés et intellos d'une douleur ancienne, leur imposant son tempo. Sur le parvis de Sainte-Croix, fils et petits-fils d'immigrés, trimeurs ou déshérités, dans la foi se réunissent tous les dimanches midi pour demander au bon dieu des comptes ou un sursis. Cinquante ans qu'on est là, Seigneur, et voilà un sacré barda sur nos épaules : que de tracas, que de deuils, les loyers impayés, la misère des fins de mois, et puis nos enfants mal nourris ! Alors Dieu, qui ne sait plus où donner des oreilles, met un peu de baume sur le coeur de ces pauvres gens, dans leur langue maternelle il les rassure et leur explique qu'il faudra revenir la semaine prochaine, et surtout ne pas être faignant, surtout ne pas démériter, ne pas abandonner. Manoel, neuf ans, se sent déjà cerné. Ses parents, travailleurs laborieux et aimants, lui apprennent à bien prier, à bien chanter, à louer le Seigneur et Manoel, enfant doux et conciliant, se plie bien volontiers à ce petit rituel du dimanche. C'est que Manoel, au milieu de tous ces gens trop grands pour lui, ne voit de l'office que les fesses des fidèles qui s'asseyent, se relèvent pour se rasseoir encore, en jupes plissées ou étroites, toutes ces femmes pliant et dépliant leurs jambes aux bas parfois filés, avec leurs talons hauts du dimanche et leur parfum bon marché et ça, Manoel, ça l'émeut, tant et si bien que loin de l'agitation vaine et des cruautés de la cour de récré l'enfant sage se prend parfois à rêver de devenir un jour curé afin de pouvoir prêter sa douce épaule aux confessions et aux larmes de ces dames angoissées. Manoel est un gosse chanceux, ses parents l'enveloppent quotidiennement de paroles humbles et de gestes sincères, et il ne souffre pas des sentiments d'aigreur ou de frustration souvent présents chez les adultes et qui parfois ternissent les pensées naïves de l'enfance. Manoel a une idée noble de sa famille, il est fier de ses parents, et la simplicité de ses conditions de vie, la relative misère dans laquelle il évolue, il les perçoit plutôt comme un signe d'une joie à venir : si je suis moyennement heureux sans rien, se dit-il, alors je serai toujours un homme heureux, et de plus en plus, car quand je serai grand rien, ne pourra jamais m'atteindre ou me détruire. Mais ce jour-là, dans l'église de Sainte-Croix, la certitude de Manoel, basée sur une logique du bon sens qui fait pourtant ses preuves depuis des siècles, est venue se heurter à une autre vérité, moins valeureuse mais tellement plus pragmatique, celle du petit Vivien, né de parents aisés d'origine portugaise eux aussi et de passage à Bruxelles pour le week-end. Par un très malheureux hasard, qui devait sortir irrémédiablement Manoel de son innocence, Vivien était assis juste devant lui, et les deux gamins se sont repérés de suite : Manoel depuis son banc trop petit, est tout de même assez grand pour côtoyer de près les gamins qui s'ennuient. Vivien est de ceux-là, qui ne trouvent d'échappatoire aux églises que dans la célébration de l'eucharistie ; il entonne alors, dans un chuchotement fracassant qui met systématiquement ses parents dans l'embarras : Maman, maman, c'est bien maintenant qu'on mange les chips du curé ? J'ai faiiim ! Manoel avait beau tenter de se concentrer sur les visages féminins entonnant à l'envi des Ave Maria tragiquement lascifs, l'enfant aux aimables tentations était sans cesse perturbé par un Vivien très agité.

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  8. Les enfants communiquent silencieusement, Vivien en impose, il est fort et droit, il porte ses beaux habits du dimanche et Manoel se prend à regarder avec une légère et bien compréhensible envie ce garçon qui n'a de cesse de se retourner pour lui sourire de manière énigmatique, comme pour s'amuser et peut-être le taquiner. Mais Vivien semble avoir senti cette petite part de jalousie, cette tentation dans le regard de Manoel, et visiblement excité l'enfant ne tient plus en place à tel point qu'il commence à ébranler Manoel qui se penche un peu vers lui, comme pour le toucher (ses cheveux laqués, son col de veste en velours, si doux rien qu'à le voir). Une tragédie se joue alors pour Manoel mais dans un tempo léger et sautillant, à tel point que ses parents pensent alors que ces sourires d'enfants, toute cette agitation, ne sont que le signe d'une amitié en train de se nouer. Vint le temps de l'offrande. Un homme passa dans les premiers rangs pour recueillir les dons des fidèles. Maria et José sortirent alors quelques petites pièces de leur minuscule porte-monnaie. Les parents de l'autre enfant prirent chacun un billet du sac de madame. Vivien se retourna et commença un jeu pervers dont seuls les enfants ont le secret, mais qui adulte deviendra une loi imparable et sans recours. Il se mit à toiser Manoel, regardant respectivement les mains de Maria, les mains de José, pour transformer peu à peu son visage en un sourire cynique et malveillant. Manoel étouffe, Manoel a honte de ces pièces qui s'entrechoquent timidement dans les mains de ses parents, honte d'eux dont il était pourtant si fier tout à l'heure, eux qu'il n'avait jamais questionnés, qu'il n'avait jamais regardés que comme ses parents : ce sont "des pauvres" désormais et lui aussi, il n'est plus seulement Manoel, il est aussi un enfant "pauvre" dans le regard de tous les Vivien du monde, petits et grands. Et Manoel lui aurait bien cassé la figure pour lui avoir fait découvrir une si pénible réalité, mais ici on est à l'église et Manoel suffoque, il écrase sa gêne en s'asseyant sur le banc, intimidé, écrasé. Ses parents le relèvent, ne comprennent pas ce relâchement soudain et l'invitent à prier. Manoel met alors toute sa colère dans des mots qu'il avait jusqu'à ce jour répétés tous les dimanches de manière mécanique, sans bien les comprendre ; il troque pour un instant sa misère sonnante et trébuchante contre des paroles lumineuses qui feront plus tard de lui un homme digne d'être heureux, ou d'être digne tout simplement : Notre père qui est aux cieux (...) pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal.

    AMEN

    (Marianne A)

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  9. Le soleil effleurant de ses rayons mielleux les deux joues rebondies d'une enfant, ses songes l'emportaient. Sur un fond de musique de bal. Le vent s'improvisait maître à danser faisant élève toutes choses alentour. Feuilles et brindilles, joies et peines. Il se jouait d'eux de temps à autres, les laissant s'évanouir pour leur donner ensuite une nouvelle envolée. Un orchestre s'était mêlé aux réjouissances: battement d'ailes, piaillements et hululement du maître à danser lui même. Il chantonnait. Valse et autres danses viennoises rythmaient les rêves de l'enfant endormie et inspiraient au vent son plus beau ballet. Et c'est dans ce château de toile que s'éveilla la jeune princesse, une couronne de paille sur ses cheveux engourdis.

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